jeudi 15 septembre 2011

Incendie boulevard Auriol : "Les familles ont besoin du procès pour faire leur deuil"

Abdulaïe a presque tout perdu lors de cette terrible nuit du 25 au 26 août 2005. Un feu, parti vers minuit du dessous de l'escalier de l'immeuble où il habite alors, boulevard Vincent Auriol, à Paris, se propage rapidement et s'engouffre dans deux appartements. Les habitants sont surpris dans leur sommeil. Le bilan est dramatique : trois femmes et 14 enfants décèdent. Parmi les victimes, la femme et trois enfants d'Abdulaïe. Seul un de ses fils, grièvement blessé, sera sauvé. Depuis, il a été relogé dans un autre arrondissement et dans des conditions plus décentes. Ce jeudi, il sera sur les bancs des parties civiles pour assister au procès
Pour son conseil, maître Tarik Abahri, qui représente également une autre famille dont le fils a péri cette nuit là, ces familles attendent aujourd'hui "une vérité judiciaire". "Elles n'ont toujours pas fait leur deuil, elles ont besoin de comprendre ce qui s'est passé et de savoir qui sont le ou les auteurs de cet incendie car, ne l'oublions pas, à la base, cet incendie est d'origine criminelle", explique l'avocat à TF1 News. Problème : aucun incendiaire ne se trouvera sur le banc des prévenus. L'enquête n'a pas permis de l'identifier.

Le procès des marchands de sommeil

L'enquête ayant, en revanche, démontré les conditions indécentes dans lesquelles vivaient les quelque 130 occupants de l'immeuble, deux personnes morales seront jugées : Freha ( France Euro Habitat), association membre de la fédération Emmaüs qui était chargée de la gestion de cet immeuble, ainsi que Paris Banlieue construction, une entreprise de bâtiment qui y effectuait des travaux. Parmi les défaillances est cité un revêtement en contreplaqué dans la cage d'escalier, qui avait été posé pour prévenir le problème de saturnisme provoqué par la présence de plomb dans les revêtements muraux du bâtiment, datant de 1894. De même, il n'y avait pas d'extincteurs, pas de plan d'évacuation de secours et un seul accès à l'immeuble de six étages.

"Il y aura une grande frustration des familles, qui auraient préféré voir sur le banc des accusés le ou les auteurs de l'incendie, constate Me Abahri. Mais ce procès pose aussi la question des marchands de sommeil puisque l'association qui gérait cet immeuble logeait des personnes dans des conditions épouvantables. Même s'ils ne sont que des responsables secondaires du drame, les familles sont satisfaites de leur présence sur le banc des accusés". Cette année là, plusieurs incendies avaient touché la capitale, faisant au total 52 morts, pour la plupart d'origine africaine.

"La finalité de ce procès est moins de sanctionner les prévenus que de permettre aux familles de faire leur deuil
", souligne l'avocat. Il s'agit de familles pour qui il est "très important d'être entendu", "cela agira comme une forme de thérapie". C'est en partie pour cette raison que le procès, initialement programmé sur seulement deux jours, les 9 et 10 mars dernier, avait finalement été reporté. L'affaire sera cette fois-ci jugée en six demi-journées, réparties sur trois semaines.

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