vendredi 23 mars 2012

Yvain percuté par un train : sa mère explique le mal-être de son fils

Le jeune homme mortellement percuté par un train, samedi soir à Albi, était un brillant lycéen. Yvain souffrait pourtant d'un mal-être. Sa mère témoigne de sa douleur et de son désarroi.
« Le voir chez moi m'a fait croire qu'il avait envie de rester dans son cocon.» Hélas, Véronique Brill se trompait sur les intentions de son fils. Yvain a «planifié son départ» le jour de ses 18 ans. Samedi, peu avant 23 heures, le jeune homme s'est hissé sur le pont SNCF d'Albi et a marché sur les rails, dans l'attente d'un train. Le dernier TER du soir l'a percuté. Un drame, évoqué jusque dans l'enceinte du conseil municipal lundi soir, qui brise une famille et bouleverse un lycée et toute une ville.

Douleur existentielle

L'histoire d'Yvain symbolise le mal-être souvent insondable des adolescents, une douleur existentielle qui en mène certains au suicide. Sa mère, avec un courage qui force l'admiration, a voulu témoigner. Pour sortir d'abord son fils de la rubrique souvent impersonnelle des faits divers, même si elle tient à souligner «le travail des policiers d'Albi et leur humanité» . Car, il a fallu attendre mardi, jour où l'autopsie a été pratiquée à Rangueil, pour que le corps mutilé retrouvé samedi soir sur la voie ferrée Toulouse-Rodez, au Castelviel, soit officiellement identifié comme étant celui d'Yvain Brill. Le jeune homme n'avait pas de papiers sur lui. Et il n'a pas laissé de lettre à sa famille pour expliquer son geste.
«Il avait sans doute une fêlure en lui», confie sa mère. Mais avant, Yvain «a été un enfant et un adolescent joyeux, vivant, intelligent, travaillant bien à l'école, avec un vrai sens de l'amitié.»
Fils d'artistes, Yvain avait reçu d'eux la créativité, l'ouverture sur le monde et le goût de la littérature. En Terminale L au lycée Bellevue, il allait donc être cet été l'un des rares garçons bacheliers de série littéraire.
«Petit, il a toujours eu des livres dans les mains.» Sa mère se souvient qu'en 2009, en classe de 3e, il avait remporté le premier prix du concours d'orthographe organisé par la Société des amis de la bibliothèque d'Albi. C'était en 2009, quand «il était encore gourmand de vie.»
Et puis, raconte Véronique Brill, en 2011, Yvain «a commencé à glisser doucement dans la tristesse. A la rentrée de septembre, son mal-être était tel qu'on a décidé d'aller consulter un pédopsychiatre.» Ces derniers mois, le lycéen était suivi pour une dépression.

Jeudi soir, il avait fugué du Bon-Sauveur

«A sa demande, après un entretien avec le psychiatre, Yvain a été hospitalisé le 3 mars dernier au Bon-Sauveur. Le problème, c'est qu'il n'y avait pas de places dans le service pour adolescents où il n'y a que 4 ou 5 lits. Par défaut, on l'a mis au SAUS puis au pavillon Saint-Jean.» C'est de ce pavillon qu'Yvain s'est échappé dans la nuit de jeudi à vendredi. Il était encore mineur à ce moment-là.
Sa mère a dû faire une déclaration de fugue. Mais quelques heures plus tard, Yvain rentrait à la maison. «Samedi, il a dormi toute la journée. Avec mon compagnon et ma mère, on était à son chevet. Mais le soir, juste avant qu'on se mette à table, il nous a faussé compagnie. Il a dû s'enfuir par le jardin. On l'a cherché partout, avec ses copains, à moto, qui ont sillonné Albi jusqu'à la gare, car on pensait qu'il aurait pu prendre un train. Quand je me suis rendue compte qu'il avait emporté le chargeur de son téléphone, ça m'a rassurée. Je me suis dit qu'il avait encore des projets, qu'il partait faire sa vie d'adulte le jour de ses 18 ans.»
Non, ce départ était plus brutal et surtout sans retour. Yvain ne n'est plus retourné, surtout pas devant le train qui a happé ses 18 ans. Sa mère est passée à la gare d'Albi ces jours-ci, avec un message pour le cheminot. «Je ne le connais pas mais je pense à lui, à cette épreuve qui a été la sienne samedi soir quand il a vu mon fils sur les voies. Derrière des machines, il y a des hommes, il ne faut pas l'oublier.»
Lundi, le jour où la famille Brill dira adieu à Yvain, ce cheminot pensera sûrement aussi à ce lycéen qui aimait la littérature, le kung-fu, le surf et les copains. Mais pas assez la vie pour la poursuivre avec nous
http://www.ladepeche.fr/article/2012/03/22/1311866-drame-du-pont-sncf-la-mere-d-yvain-temoigne.html

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