La mort de Charlotte n'est pas une fatalité. Elle aurait pu être évitée. C'est une bombe dans la vie de ses parents. Ce n'est pas au nom de la douleur ou de la colère mais dans un esprit de justice que je demande une condamnation. Les responsables ne sont pas des monstres ». L'humanité qui perce dans la plaidoirie de Me Michèle Karoubi, suscite l'émotion dans les travées où ont pris place de nombreux amis des parents de la jeune victime.
Tous les yeux sont rivés sur les deux prévenus qui tentent toujours de comprendre les causes de la tragédie dont ils furent, malgré eux, par maladresse, les principaux acteurs.
C'est peu après 16 heures, le 8 novembre 2007, qu'est survenu l'irréparable. À la sortie de l'école. Trois accompagnatrices encadrent une vingtaine d'enfants de CE1 sur le chemin de la garderie. La petite troupe arrive au portail donnant accès à l'aire de jeux. Charlotte, 7 ans, ferme la marche. En poussant devant elle, avec quelques difficultés sur le sol caillouteux, le déambulateur d'Émilie, sa copine handicapée transportée dans une poussette. Le groupe a croisé à quelques mètres de là devant un dépôt communal de matériels, un employé municipal de Garlin, Didier Piarrou, 51 ans, chef du centre des sapeurs-pompiers. Il pilote un engin de chantier. L'auxiliaire de vie scolaire, Marie Carrillo, 44 ans, qui surveille la progression des écoliers, discute avec une autre collègue.
Personne n'a entendu crier
Elle ne s'est pas souciée de la fillette qui est à la traîne : « Elle arrivait à son allure. Jamais je ne me serais imaginé que le tracteur allait emprunter la même voie » précise-t-elle. Toujours est-il que le drame va se nouer. Le pompier ne voit pas dans sa manoeuvre Charlotte restée légèrement en retrait après le passage des gamins. Le godet levé du véhicule lui cache la visibilité au moment où se produit l'effroyable collision. Personne n'a entendu crier. Les piaillements des enfants couvraient même le bruit du moteur, si l'on en croit Marie Carrillo, effondrée à la barre. Elle reconnaît son erreur. La seule chose qu'elle ait éprouvée, « c'est la sensation que Charlotte n'était plus là », dit-elle. C'est en se retournant, comme mue par un pressentiment, qu'elle a découvert l'horreur de la scène.
Le président Marc Magnon estime qu'elle aurait dû se tenir à l'arrière du groupe d'écoliers comme l'imposent les dispositions. Quant à Didier Piarrou, très éprouvé aussi, c'est lui qui a porté les premiers secours à la malheureuse, mortellement blessée. Des traumatismes durables. Pour tous. Et encore vécus plus intensément par les parents de la fillette. Leur couple s'est brisé. Le père, en soins psychiatriques, et la mère qui résiste avec leur fils Alexandre, vaille que vaille, ont assisté avec beaucoup de courage aux débats.
Une imprudence payée au prix fort
Mais des questions se posent. Que faisait là l'engin ? Alors même qu'une note de la mairie demandait d'éviter toute circulation dans ce périmètre durant tout le service scolaire.
Pourquoi le déambulateur a-t-il été écarté de la scène de l'accident ? La mairie a répondu que ces tubulures tordues par l'écrasement de la roue du tracteur auraient pu impressionner les enfants. Ni le premier magistrat, ni la commune n'ont été inquiétés. L'instruction qui a duré 3 ans et demi a abandonné les poursuites.
Pour le procureur Dominique Boiron « c'est la conjonction de deux erreurs qui a causé l'accident ». D'une part, le responsable du centre de secours a pris le risque « d'une manoeuvre délicate et dangereuse ». Et d'autre part, l'auxiliaire d'éducation devait accorder une attention toute particulière du fait de la présence « inhabituelle » du tracteur. Des fautes qu'il juge « concurrentes et équivalentes » en requérant à l'encontre des prévenus 6 mois de prison avec sursis assortis de 3000 euros d'amende couverts également par le sursis.
Me Antonin Le Corno, qui plaide la relaxe, voire une dispense de peine pour Marie Carrillo, ne partage pas l'analyse du ministère public sur les responsabilités. À ses yeux, sa cliente, souffrant depuis les faits d'une lourde pathologie, « est civilement responsable pour sa faute d'inattention, mais pas pénalement ». Sa faute n'est pas délibérée, estime-t-il. Et d'enfoncer le clou en accablant le conducteur de l'engin « qui n'était pas habilité à circuler sur une zone sécurisée ».
Me Candice François, pour Didier Piarrou, assène en réplique un argument sans appel : « Si Charlotte n'avait pas été laissée derrière le groupe par l'accompagnatrice, elle serait encore là ». On se renvoie la balle mais toutes les parties sans exception sont bouleversées par la terrible tragédie. Où l'imprudence a été payée au prix fort ! Délibéré le 6 octobre.
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