samedi 25 février 2017

Gironde : l’enfer d’une femme battue et pauvre

Depuis un an, une Médocaine était devenue l’objet de son compagnon. Il a été condamné à 18 mois de prison, dont neuf ferme, jeudi.
On l’appellera Sandrine. Elle a 41 ans, pas d’emploi et vit du RSA. Elle est assise sur le banc des parties civiles. Son front est gris, le contour de ses yeux varie entre le jaune, le vert et le violet. Le bas de son visage, lui, est encore rouge. Dans la nuit de lundi à mardi, Sandrine a été passée à tabac.
« J’étais couchée, il était minuit. Sans raison, il m’a saisie par les cheveux, m’a traînée hors du lit. Ont démarré les coups de tête, de poings, contre un mur et les insultes. Il s’est arrêté subitement et s’est endormi comme une masse. Il était ivre mort », lit Clémentine Chovin, la présidente d’audience. Entre ses mains, la magistrate tient les déclarations de Sandrine face à la police.

Aucun souvenir

C’était mardi. Sandrine avait rendez-vous au commissariat de Bordeaux, dans le cadre d’une autre procédure. Devant sa figure enflée comme un ballon, l’agent qui la reçoit s’étonne. Elle prétexte une chute. Il insiste. Elle finit par se livrer. Son compagnon n’est pas loin. Il l’attend dans le hall où il est interpellé avant d’être placé en garde à vue et renvoyé devant la 7e chambre du tribunal correctionnel de Bordeaux, dans le cadre d’une comparution immédiate, jeudi.
Petit, une veste militaire trop grande pour lui sur le dos, Marcos Cobo Jurado, 59 ans, n’en mène pas large dans son box. Une première pour cet homme au casier judiciaire vierge. De la nuit de lundi à mardi, il dit n’avoir aucun souvenir. « Entre l’alcool, les cachets, tous ces mélanges… Sous l’effet de la boisson, je ne me contrôle plus. Je suis désolé. »
« Et quand vous vous êtes réveillé, vous n’avez pas vu le visage tuméfié de votre compagne ? », l’interroge la présidente. « Non. » « Et quand vous êtes monté dans la voiture pour la conduire au commissariat ? » « Non plus. » Il faudra que les policiers lui montrent des photos pour qu’il s’écrie : « Mon Dieu, c’est horrible ! » Et ce n’était pas la première fois.
La lecture du rapport du médecin qui a examiné Sandrine éclaire sur l’histoire de ses souffrances. Elle porte des traces de coups sur tout le corps. Certaines blessures sont anciennes. Son supplice a débuté il y a un an, dans le huis clos de ce couple isolé et en situation de grande précarité.
Ils habitent dans une grange louée et rafistolée, dans le Médoc. Elle n’a pas les clés. Tout est à son nom à lui. Son RSA ? Il part sur le compte de Monsieur. Un héritage qu’elle a touché ? Idem. « C’était pour qu’elle ne soit pas embêtée avec sa procédure de surendettement », assure-t-il. Il garde aussi les clés de la voiture de sa compagne. « On se croirait à l’époque où les femmes n’avaient pas le droit d’avoir un compte et de conduire », soupire la présidente.

« Je me retrouve sans rien »

« Je suis perdue. Je me retrouve sans rien. Sans maison, sans argent. Aujourd’hui, je suis dans un foyer d’accueil d’urgence », avoue Sandrine à la barre. « Il faut protéger cette femme à la sortie du tribunal », insiste le procureur de la République Marie-Madeleine Alliot qui requiert de la prison ferme et un mandat de dépôt contre le prévenu.
Elle sera entendue. Marcos Cobo Jurado a été condamné à 18 mois de prison dont neuf assortis d’un sursis avec une mise à l’épreuve de trois ans lui interdisant d’entrer en contact avec la victime, l’obligeant à l’indemniser et à suivre des soins. En outre, il devra verser à son ex-compagne 3 000 euros de dommages et intérêts. Il a été incarcéré à l’issue de l’audience.
http://www.sudouest.fr/2017/02/25/l-enfer-d-une-femme-battue-et-pauvre-3228252-2780.php

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