Cette molécule "BIA 10-2474" avait principalement des visées antidouleur. Six volontaires, participant à l'essai clinique de Phase 1 de cette substance, avaient été hospitalisés en janvier à Rennes et l'un d'eux était décédé. Quatre des survivants présentaient des lésions cérébrales et un autre aucune.
Les experts notent le "caractère stupéfiant et inédit" de cet accident, "ne s'apparentant a priori à rien de connu". Ils relèvent toutefois que des volontaires étaient relativement âgés pour ce type de tests (jusqu'à 49 ans) et que certains présentaient des facteurs de risque "vis-à-vis de certains effets indésirables médicamenteux" qui auraient dû conduire à les écarter.
A côté de problèmes de tension par exemple, ils évoquent "un antécédent de traumatisme crânien grave" chez l'un d'eux. Selon une source proche des auteurs du rapport, il s'agit du volontaire décédé.
Des doses cumulées trop importante chez les personnes hospitalisées ?
Ces experts pointent aussi "un effet lié à la dose cumulée" de la molécule testée. Ils observent en effet "l'absence de toxicité" de cette molécule "chez les autres volontaires dont certains avaient reçu une dose unique allant jusqu'à 100 mg ou des administrations répétées de 10 fois 20 mg, soit une dose cumulée de 200 mg". Les personnes hospitalisées avaient, elles, reçu 250 à 300 mg au total.
Les experts jugent également "problématique" le passage d'une dose quotidienne de 20 mg administrée à un groupe précédent à celle de 50 donnée aux victimes. Pour eux, les progressions dans les doses devraient être "plus raisonnables et prudentes".
La molécule "BIA 10-2474" appartient à une famille connue d'inhibiteurs d'une enzyme (la FAAH), qui empêchent la destruction de substances naturellement produites dans l'organisme ("endocannabinoïdes"), susceptibles d'apaiser la douleur et l'anxiété. D'autres laboratoires ont abandonné le développement de molécules de cette famille à une étape plus avancée que l'essai de Rennes pour cause d'"inefficacité", notent les experts.
Une explication aux troubles neurologiques observés
Ils s'étonnent aussi que la molécule BIA 10-2474 ait été administrée aux volontaires à une dose plus de dix fois supérieure à celle censée être nécessaire pour bloquer complètement l'enzyme FAAH. Selon eux, la molécule se serait fixée "sur d'autres enzymes cérébrales" que celle initialement visée, ce qui expliquerait les troubles neurologiques observés.
Les experts relèvent en revanche des éléments "inhabituels" dans les tests préalables sur l'animal, même s'ils n'ont pas mis en évidence de toxicité comparable à celle de Rennes. Ils jugent ainsi "surprenant" que le laboratoire ait fait des tests sur quatre espèces (rat, souris, chien et singe), au lieu de deux habituellement pour des substances ciblant le cerveau. Ce qui soulève la question de savoir si le laboratoire soupçonnait une éventuelle toxicité de sa molécule.
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