Loïc Liber était tombé sous les balles de Mohamed Merah le 15 mars 2012 à Montauban, atteint de plusieurs tirs qui avaient notamment touché sa moelle épinière. Depuis tétraplégique, il déroule une longue et courageuse convalescence à l'hôpital d'instruction des Armées Percy de Clamart (Haut-de-Seine) avec le soutien d'Audrey, sa compagne, et pendant très longtemps avec celui de sa mère Émilienne, mère courage qui avait tout abandonné en Guadeloupe pour être au chevet de son fils. Aux murs de sa chambre, des photos des jours heureux, de son île… et son béret rouge de parachutiste.
Loïc Liber ne s'était jamais exprimé depuis le drame. Ses seuls interlocuteurs étaient ses amis, militaires notamment, son avocate Laure Bergès-Kuntz… Pour la première fois depuis l'attentat, donc, le seul survivant de Merah a accepté de se confier à un journaliste. Loïc qui ne parlait plus a retrouvé la parole. La voix est posée. L'élocution est fluide et pertinente. S'il n'a pas retrouvé son autonomie physique, il est cependant en mesure de communiquer avec l'extérieur, de saisir la vie du monde… Entretien…
La première question que l'on a envie de vous poser aujourd'hui, Loïc, c'est : comment allez-vous ?
Ça va bien. C'est sûr, ce n'est pas tous les jours facile. Il y a des hauts et des bas. Parfois le moral est à zéro. Mais dans l'ensemble, ça va plutôt bien.
Aujourd'hui, cela fait trois ans exactement que vous êtes tombé sous les balles de Merah. Quel est votre état d'esprit ?
C'est un cap particulier. Bien sûr, je repense a tout ce qui s'est passé ce jour-là mais aussi aux attentats du début d'année à Paris. Je pense aussi très fort à mes camarades qui n'ont pas eu la chance de survivre. Mais je m'accroche à la vie…
Vous évoquez les attentats de janvier dernier. Qu'avez-vous ressenti en apprenant cela ?
C'était douloureux. Ça m'a replongé trois ans plus tôt et fait repenser à ce que nous avons vécu avec mes camarades mais aussi à ce qu'ont subi les enfants de l'école juive à Toulouse. Nous, nous étions militaires mais eux étaient des enfants innocents. Ces attentats m'ont choqué.
Quels souvenirs, quelles images conservez-vous de ce 15 mars 2012 ?
Je me souviens que j'étais au distributeur de billets avec les copains. On rigolait. On s'apprêtait à repartir travailler… et soudain tout s'est arrêté. Je n'ai rien senti. Ça s'est passé très vite. J'ai perdu conscience et je me suis réveillé sur un lit d'hôpital. Et là on m'a annoncé qu'on m'avait tiré dessus par derrière… lâchement.
Vous n'avez rien vu venir ?
Non. Il m'a d'abord tiré dessus, dans le dos, puis il a tiré sur mes camarades. Je suis tombé. Je pensais que j'étais mort. Mes camarades n'ont pas eu ma chance. Je n'ai pas vu Merah. Je pense qu'il m'a tiré dessus en premier car j'étais plus grand que mes camarades et il a dû me viser tout de suite.
Comment se déroulent vos journées à l'hôpital de Clamart ?
Le matin est réservé aux soins et à la toilette. Puis l'après-midi je travaille avec l'ergothérapeute pour la domotique, le high tec, le bien être… je vois aussi le kiné avec qui je travaille mes membres inférieurs et supérieurs, les muscles, afin de pouvoir ressentir les choses.
Au début de votre hospitalisation, vous étiez dans un état de dépendance totale. Quels progrès avez-vous réalisé durant tout ce temps ?
Et bien tout d'abord, je parle à nouveau ce que je n'avais pas fait durant des mois. Au début, je ne sentais rien du tout. Puis, j'ai retrouvé des sensations, à la tête, à la nuque, aux épaules… Petit à petit, des sensations reviennent… Quant à savoir si je vais remarcher un jour, les médecins ne se prononcent pas sur cette question.
Vous avez reçu de nombreuses marques de soutien, y compris de la princesse Caroline de Monaco. C'est important pour vous ?
Ça me touche beaucoup de savoir qu'on pense à moi. Beaucoup de mes camarades du «17» viennent me rendre visite ou m'appellent. J'ai aussi eu de nombreuses visites des chefs de corps de Montauban, de Toulouse. Des régiments de toute la France se sont aussi manifestés. ça me fait plaisir de savoir que tous ces gens sont là pour moi. C'est sûr ça me donne du courage pour continuer la route.
Ce drame vous laisse-t-il des regrets ?
Non, aucun. J'ai choisi d'être militaire parachutiste et j'en suis fier. J'étais là au mauvais moment, tout simplement.
Depuis mars 2012, vous ne vous étiez jamais exprimé dans les médias. Pourquoi le faire aujourd'hui ?
Je n'étais pas encore prêt. C'était dur pour moi. Je n'avais pas envie de parler de ce que je vivais. Je voulais surtout reprendre mes marques, me remettre en situation. Aujourd'hui ça va mieux et je me sens capable de parler de moi, de ce que je vis.
Qu'avez-vous envie de dire à vos camarades du «17» même si plusieurs sont en contact permanent avec vous ?
je veux tout d'abord leur dire ma fierté d'être soldat et je voudrais dire à tous ceux qui ne soutiennent que je suis la, bien vivant, que je m'accroche a la vie, que je ne lâche rien et que tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. Je fais le maximum. Il y a une phrase que j'aime bien et qui me guide :Le soldat doit faire preuve d'initiative et s'adapte en toute circonstance
http://www.ladepeche.fr/article/2015/03/15/2067116-loic-liber-je-suis-bien-vivant-et-je-m-accroche.html
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