dimanche 19 janvier 2014

Le jugement est attendu dans l’affaire du suicide sur le « bateau de l’enfer »

Sébastien Waké s’est suicidé le 15 juin 2010 après plusieurs mois passés sur la frégate La Fayette, surnommée depuis « le bateau de l’enfer ». En cause, le comportement du commandant Eric Delepoulle, accusé d’avoir mis la pression sur le jeune homme au point de lui avoir fait commettre l'irréparable. Il était jugé à Marseille en novembre dernier. Le jugement a été mis en délibéré au lundi 20 janvier.

                 Le rappel des faits avec M. Barate et A. Missud


Plus de 70 témoignages similaires 

A l'audience, le 18 novembre 2013, le procureur Emmanuel Merlin avait requis à l'encontre d'Eric Delepoulle - capitaine de frégate au moment des faits, promu capitaine de vaisseau à l'Etat-major depuis - un an d'emprisonnement, "éventuellement assorti de sursis" et 6.000 euros d'amende. Il avait surtout regretté que les peines maximales prévues par le code pénal (un an de prison et 15.000 euros d'amende à l'époque des faits, ndlr) "ne semblent pas faire justice à ce qui s'est passé".
Les plus de 70 témoins interrogés à l'instruction avaient presque tous raconté la même histoire. Dans le huis clos de la frégate légère furtive La Fayette, commandée par Eric Delepoulle, régnait une "ambiance exécrable".  Les "pressions permanentes" sous le commandement d'un gradé distribuant largement les punitions et "se prenant pour Dieu à bord" ou "Louis XIV", avait conduit ce bâtiment à être surnommé le "bateau de l'enfer".


Rythme et charge de travail écrasants

C'est dans ce contexte que le second maître Sébastien Wanké, 32 ans et originaire de Saône-et-Loire, maître d'hôtel du carré commandant et donc au contact direct avec Eric Delepoulle, "aux première loges pour subir les brimades", selon l'avocat de la famille Jean-Jacques Rinck, avait été retrouvé pendu à bord le 15 juin 2010.
D'après l'enquête, il faisait face depuis un an et demi à des "rythme et charge de travail écrasants", jusqu'à 15 heures par jour, organisant les repas des officiers, le service à table, nettoyant les appartements du commandant, et réalisant même des travaux de peinture en plus de ses charges opérationnelles. Le tout avec, selon le juge d'instruction, un niveau d'exigence "excessif, voire abusif, au point de revêtir un véritable aspect vexatoire".
Avant l'audience, Martine Wanké, la mère de la victime, avait espéré que la justice passe en "l'honneur" et "à la mémoire" de son fils, et "surtout pour que plus aucun commandant ne recommence, (...) que la marine ait plus la main sur ses commandants".


Côté obscur de la force militaire

Après avoir nié avoir eu connaissance de la mauvaise atmosphère à bord lors de l'instruction, l'officier de 43 ans avait tempéré, à l'audience, son appréciation. "Retracer l'ambiance sur 18 mois en disant qu'elle a été un long fleuve tranquille (...) ne reflète pas la stricte vérité", avait-il euphémisé à la barre, tout en affirmant avoir été "très content (des) services" du second maître Wanké.
Pour le magistrat instructeur, "il était manifeste que le défunt était à bout, physiquement comme nerveusement", et que "le coup de grâce final est venu de la notation de mai-juin 2010 (qui) a probablement été le déclencheur du passage à l'acte". Quelques jours avant son suicide, la victime avait reçu une note correcte, mais assortie d'une appréciation castrophique, pointant "son absence d'investissement" et le décrivant comme "un maître d'hôtel désabusé".
Au-delà de l'officier, ce qui sera jugé, "c'est le côté obscur de la force militaire", analysait Me Rinck. Dans une enquête interne, la marine avait en effet totalement disculpé le prévenu.

Un an de prison et 15.000 euros au maximum

Eric Delepoulle est aussi jugé pour des faits similaires à l'encontre d'un autre marin, également partie civile, le maître Olivier Berger, chef de cuisine, qui a développé un psoriasis. Son avocat, Me Pierre-André Watchi-Fournier, avait plaidé la relaxe de son client, considérant que celui-ci avait été "séparé de sa base" et mettant en cause le commandant en second et son comportement "pervers".
Les faits reprochés datant de 2010, il encourt un an de prison et 15.000 euros d'amende. Depuis, la loi a été modifiée et a porté la peine encourue pour des faits similaires à 2 ans et 30.000 euros d'amende.


http://bourgogne.france3.fr/2014/01/19/le-verdict-est-attendu-dans-l-affaire-du-suicide-sur-le-bateau-de-l-enfer-398039.html

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