Commotion cérébrale, trois vertèbres fracturées, dont une particulièrement endommagée, multiples fractures et écrasements des os du pied, cheville et tibia gauche, hématome abdominal interne. Voici l’effrayante liste des blessures de l’étudiant de 20 ans, victime d’un bizutage, lors d’une soirée d’intégration organisée par l’association Course Croisière de l’École des hautes études commerciales (Edhec) à Lille.
Le jeune homme, qui a fait l’objet d’un rapatriement sanitaire chez ses parents, installés dans la région d’Orthez, est aujourd’hui « profondément traumatisé ». Il a déjà subi deux opérations de la cheville et une lourde intervention au niveau de la colonne vertébrale.
Depuis que leur fils a été retrouvé au pied d’un immeuble lillois dans la nuit du 17 au 18 octobre, les parents dénoncent le bizutage qu’a subi le jeune homme. Le père, qui espère « animer les consciences », témoigne sur le déroulé de la soirée dans un immeuble de Lille tel qu’il leur a été rapporté par son fils.
Whisky, vodka, pastis
« Vers 22 h 30, ils doivent monter au deuxième étage. À tour de rôle, on les fait pénétrer dans la pièce et on leur attache à la main, avec du ruban adhésif, une bouteille en plastique de 50 cl remplie de 33 % de whisky, 33 % de vodka et 33 % de pastis. Puis, sous les ordres de leurs aînés, ils doivent leur cuisiner un croque-monsieur tout en buvant, sous peine de brimades. On les met en rond, et on leur demande de boire, y compris dans la bouteille du voisin de droite. Un peu plus tard, ils ont l’ordre de manger les restes des croque-monsieur des organisateurs et de finir leur bouteille. Ils sont à nouveau mis en rond, agenouillés, devant se tenir par les épaules, sans chemise et en caleçon. Il est environ 23 h 30, ce sont les derniers souvenirs de mon fils. »
Rares condamnations
Antoine (1) sera retrouvé gisant dans la cour de la maison, vers 4 h 30, par des voisins qui, « ayant entendu des gémissements, ont alerté les occupants de l’immeuble ». « En état d’ivresse avancée, et incapable de suivre les autres étudiants en discothèque, où se poursuivait la soirée, le jeune homme était resté sur place et s’était endormi sous la surveillance d’un autre élève », explique-t-on au parquet de Lille, où une information judiciaire pour bizutage a été ouverte.
De son côté, l’Edhec a suspendu toutes les aides aux associations étudiantes. La direction a également demandé à chaque association de remettre un rapport détaillant ses pratiques de recrutement.
« C’est la responsabilité des établissements de prendre des sanctions », estime Marie-France Henry, présidente du Comité national contre le bizutage. « Les condamnations sont rares, car la loi du silence prévaut dans ces affaires. » Les parents d’Antoine dénoncent également « l’omertà construite par les participants de la soirée ». Pour le prouver, ils disposent de plusieurs mails. « Des étudiants sont au courant d’une intégration qui aurait mal tourné. Veillons, je pense, à étouffer le plus possible tout sujet à ce propos », peut-on lire dans l’un de ces courriels.
Le jeune homme va prochainement déposer une plainte par l’intermédiaire de son avocat. « Mon fils pourra probablement retourner suivre ses cours d’ici le mois de février si les premières étapes de son rétablissement sont conformes aux attentes des médecins, ajoute son père. Des aménagements seront nécessaires pour ses déplacements et son logement sur le campus. Parallèlement, sa rééducation se poursuivra. Il est acquis qu’il conservera des séquelles. »
Chaque année, le Comité national reçoit près d’une trentaine de signalements de cas de bizutage. Le phénomène serait plutôt « en baisse ».
Considéré comme un délit depuis 1998, il est puni de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.
(1) Le prénom a été changé.
http://www.sudouest.fr/2013/11/08/mon-fils-est-traumatise-1223150-4329.php
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