vendredi 25 octobre 2013

Affaire du bébé secoué en Charente: un drame né du manque

Elle est là, à la barre. Aux assises de la Charente hier. Le regard perdu et les lèvres retroussées. Comme si elle ne voulait rien dire, rien lâcher. Elle s’appelle Estelle, elle a 22 ans et se perd dans toute cette tragédie. En face d’elle, il y a Nicolas, 29 ans. Nicolas Berger, accusé par la justice d’avoir causé la mort, sans intention de la donner, de Pauline, leur fille de 6 mois, un soir de déprime et de désoeuvrement, la veille du réveillon de la Saint-Sylvestre 2010.
Il risque trente ans de prison, ce garçon d’Anville qui comparaît libre, plus de trois ans après avoir reconnu les faits. Ce drame, conséquence involontaire et malheureuse d’une dispute au sein d’un couple jugé "immature et insouciant" par les services sociaux.

30 décembre 2009. Dans leur logement cognaçais totalement désordonné où ils passent le plus clair de leur temps à consommer du shit, jouer à la console et "s’occuper des enfants" - Pauline, mais aussi son frère d’un an et demi -, Estelle et Nicolas Berger se déchirent. Ils sont en manque. Plus rien à fumer, "depuis quelques jours" précise l’accusé. Alors il remet en cause sa participation au réveillon à Saint-Cybardeaux, chez le frère de sa compagne. Elle lui laisse Pauline, "pour ne pas qu’il soit tout seul", dit-elle. Mais Nicolas est mal, très mal. Il a "une barrette de shit dans la tête, ne pense plus qu’à ça", comme il le redit à la cour. C’est sa priorité.
Il débarque chez son dealer, dans un squat cognaçais, avec la fillette. Le lendemain, l’enfant et lui sont assoupis sur le canapé au domicile familial, rue du Pont-Faumet. Soudain, elle tombe, elle pleure. Ça le réveille, il ne supporte pas. Il la secoue pour la faire taire, avoue plus tard aux enquêteurs qu’il la "gifle" aussi. "Je ne sais pas ce qui m’a pris, je n’ai pas senti ma force. J’étais sous l’emprise du cannabis."
Il appelle son dealer plutôt que les secours
Pauline a des convulsions, les yeux retournés. Il tarde à appeler les secours. Passe d’abord quatre nouveaux appels à son fournisseur. Le manque, toujours le manque. La santé de l’enfant commence tout de même à l’inquiéter. Il appelle sa compagne qui ne peut rentrer de suite. Sitôt arrivée, elle comprend et donne l’alerte. Il est déjà trop tard. Conduite à l’hôpital de Cognac puis de Poitiers, Pauline ne survit pas. Elle décède le 2 janvier. Syndrome du bébé secoué, concluent les médecins. La justice est saisie.
Nicolas Berger, c’est l’histoire d’un "enfant enjoué et serviable" qui a mal tourné à l’adolescence. Sa dépendance au cannabis ruine sa vie depuis qu’il a plongé, à l’âge de 15 ans, "pour faire comme les grands". Il plaque l’école à 16 ans, entame un apprentissage de maçon. Le parcours est chaotique, inconstant, parasité par son caractère devenu "nerveux et impulsif", mais il décroche son CAP au CFA de Chasseneuil.
Il intègre le 515e régiment du train en 2003. Insubordination et instabilité mettent fin prématurément à sa carrière. Il galère de petit boulot en petit boulot, a de mauvaises fréquentations et rencontre, en 2007, Estelle, 14 ans, qui "le trouve mignon". Et qui l’aime toujours. Elle ne veut pas croire qu’il "soit responsable" de la mort de leur enfant. "Il y avait eu un autre événement, à Noël. Son frère lui était tombé dessus pendant que je la changeais. Il y a eu un bruit bizarre, elle n’était pas bien le lendemain. Nous aurions dû l’emmener à l’hôpital, c’est peut-être là qu’il y a eu un problème", excuse-t-elle.
"Mais Nicolas, lui, n’a jamais contesté sa responsabilité, lui oppose la présidente, Katell Couhé. N’avez-vous pas l’impression de vous voiler la face?"
Les experts balaient la thèse désespérée de la jeune femme. "Délais trop longs", "argument classique dans des cas de bébé secoué", affirment-ils sans détour. Estelle doit faire avec cette réalité. Tout comme elle devra composer avec celles d’aujourd’hui, deuxième et dernier jour du procès d’un drame social

http://www.charentelibre.fr/charente/pays-de-cognac/

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