vendredi 20 septembre 2013

Accident mortel: des questions qui restent sans réponse

LE procureur adjoint Fournié l'a bien souligné à l'entame de ses réquisitions : « Les procès pour homicides involontaires suite à des accidents de la route sont souvent, pour ne pas dire toujours, insatisfaisants. Il y a toujours des explications manquantes, toujours des peines sans rapport avec les douleurs provoquées… » Mercredi en fin de soirée, au terme d'une audience lourde d'émotion, parfois de colère retenue, d'effets oratoires peut-être mal compris, le président Wastl-Deligne a souhaité rendre un jugement équilibré : 18 mois de prison avec sursis pour le chauffeur prévenu d'homicide involontaire.
Le parquet avait réclamé de la prison ferme. Le défenseur du routier une relaxe. Jugement équilibré, donc, mais des questions demeurent. En prononçant une condamnation, et ce faisant en refusant le supplément d'information réclamé par l'avocat du chauffeur, Me Ludot, qui dénonça « une enquête bâclée », le tribunal correctionnel a de facto entériné l'essentiel du scénario de ce drame épouvantable. Un peu après 8 heures, le 1er août 2011, sur l'A 34, juste avant la sortie Poix-Terron dans le sens Charleville-Reims. Une automobiliste s'arrête et se gare sur la bande d'arrêt d'urgence. Elle a vu un chien gisant sur la chaussée, et un autre est blessé à proximité. Très vite, un poids lourd s'arrête à son tour et se gare derrière elle. Les pompiers sont appelés. Le chauffeur revêt un gilet fluorescent, en donne un à la conductrice, et va positionner un triangle. Une poignée de minutes plus tard, un second poids lourd percute le premier. Le choc est violent. Le chauffeur altruiste qui s'était arrêté meurt écrasé. Luciano Amato avait 40 ans, papa d'un bébé alors âgé de 11 mois. L'automobiliste est très sérieusement blessée et demeure aujourd'hui encore handicapée par les traumatismes causés à sa jambe droite.
Mais des questions demeurent. Le chauffeur mis en cause s'est-il assoupi ? A de nombreuses reprises la semaine précédente, son temps de conduite avait été excessif, ses temps de repos insuffisants. Ou était-il distrait par un ordinateur portable dont il est avéré qu'il était allumé au moment de la collision (mais l'enquête n'a pu déterminer si, par exemple, l'homme regardait une vidéo tout en conduisant).
A la barre, Romain Cotton, 30 ans, gérant d'une SARL de transports qui bat de l'aile, basée dans la Marne, dit ne plus se souvenir. Aux gendarmes, il avait déclaré croire que le camion (de M. Amato) ralentissait pour emprunter la sortie de Poix-Terron et avoir tenté de le dépasser. Une sortie que lui-même avait l'intention de prendre pour gagner Châlons via Mazagran. En tout cas, il y a eu donc faute de sa part.
Passons sur les questions concernant le positionnement exact de chaque véhicule (le tribunal, en condamnant, a avalisé l'enquête : les victimes étaient bien garées sur la bande d'urgence, cependant plus étroite à cet endroit). Passons sur cette dramatique coïncidence : bien à l'abri derrière les glissières, les victimes revinrent un instant entre l'auto et le camion pour secourir le chien survivant. C'est à ce moment que le choc fatal s'est produit.
Enfin, une part des débats, mercredi, concerna la présence des chiens, à l'origine de cet effroyable accident. Le procureur Fournié avait prévenu. Etape certes nécessaire dans le processus de deuil ou de reconstruction, ce procès serait de toute façon « insatisfaisant ».

http://www.lunion.presse.fr/region/accident-mortel-des-questions-qui-restent-sans-reponse-jna18b0n208569

Aucun commentaire: