mercredi 1 février 2012

Drame de Sisco : Henri Giusti défend la thèse du tir accidentel

Le mur a été démoli et l'histoire reste à construire. Le premier chapitre, entamé hier, n'augure pas d'un solide édifice, mais la vérité gagnera peut-être un droit de passage au terme de quatre jours de débats. On travaille dans la pierre mais aussi dans la pâte humaine dans ce dossier, et dans un village où les griefs ne manquaient pas.
« Tu verras...»
Le joli hameau de Crosciano a perdu beaucoup de son pittoresque, ce 16 juin 2008, au moment même où résonnaient les premières détonations. Il n'est pas loin de 16 heures, Henri Giusti, maçon de profession, s'est présenté au domicile de Patrick Ravary pour tenter d'obtenir des explications sur la destruction d'un mur séparant la propriété de ce dernier et celle de sa cousine germaine.
Il est l'artisan de l'ouvrage qui agit désormais comme un révélateur de tout ce qui se passait en deçà et au-delà : page après page se déroulent les petites scènes de la vie ordinaire, les témoins ne se font pas prier, chacun à sa manière veut lever un petit bout de voile sur la personnalité de cet homme de 62 ans qui doit répondre d'assassinat et tentative d'assassinat devant la cour d'assises de Haute-Corse.
L'entrevue a rapidement dégénéré : Raymond Damiani qui a tenté de s'interposer, visé à cinq reprises, s'en est sorti avec des blessures aux membres inférieurs. Guillaume Sage, lui, a succombé. Après les premiers tirs au moyen d'un pistolet semi-automatique 7,65 mm, Henri Giusti a regagné son domicile au lieu-dit Chioso pour en repartir aussitôt muni d'une arme d'épaule de calibre 12, se dirigeant alors vers l'habitation de Guillaume Sage qui s'activait dans son jardin avec une tronçonneuse. Et tout va très vite.
Quelques instants plus tard, prostré sur sa terrasse, Henri Giusti n'évoque pas les faits face à son épouse qui le découvre « prostré ». « Tu verras... », lui dit-il, très laconique. « J'étais anéanti, je ne pouvais pas parler », affirme-t-il devant ses juges.
La version de l'accident
A aucun moment, il ne parle d'un accident. C'est pourtant la thèse qu'il soutient aujourd'hui : s'il reconnaît avoir vidé son chargeur sur Raymond Damiani parce que celui-ci « l'avait agressé en jetant une échelle, et menacé d'aller chercher un fusil », il prétend avoir voulu s'entretenir avec Guillaume Sage, « seul capable d'apaiser la situation », et « trébuché » sur un chemin peu praticable, tirant ainsi accidentellement dans sa direction.
Selon l'enquête, Guillaume Sage avait informé Patrick Ravary de la construction litigieuse et ce dernier avait alors décidé de se rendre d'urgence en Corse pour détruire l'ouvrage. Il a par ailleurs indiqué qu'il était en conflit depuis quatre ans avec Marguerite Giusti au sujet de la construction d'une terrasse sur sa propriété et que ce conflit avait abouti à ce projet de mur le privant d'accès.
Très fouillée, l'enquête d'environnement vise à cerner le profil de l'accusé qui a fait l'objet d'expertises psychologique et psychiatrique dont les conclusions mettent en évidence des « éléments obsessionnels » et « des facteurs de psychorigidité », voire une structuration « paranoïaque ».
« Avec le code de l'honneur »
Un certain nombre de témoins évoquent un climat conflictuel, peignant un homme « solitaire, sournois, exagérément attaché au droit de propriété qui plantait ça et là des panneaux d'interdiction », et on ne craint pas de s'attarder sur un sombre drame familial plus ancien, qui n'éclaire guère le tableau. Mais l'on brosse également le portrait d'une personne « réservée, franche, respectueuse ». C'est aussi « un très bon maçon, dévoué pour la commune », atteste le maire de Sisco, « quelqu'un qui n'accepte pas l'injustice, qui voulait vivre avec le code de l'honneur ».
Ange-Pierre Vivoni avait accordé l'autorisation d'aménager une fenêtre à Marguerite Giusti et une autorisation de surélévation à Patrick Ravary. Une façon de « faire le tampon »,précise-t-il, et d'adoucir le conflit qui les opposait. Mais pour le fameux mur, il n'avait « pas à s'immiscer, car il s'agissait d'un ouvrage inférieur à 1,80 m sur une propriété privée ».Et il leur avait conseillé de « trouver un accord ou de s'en remettre à un juge ».
Henri Giusti, lui, demeure tête haute, déterminé à ériger un rempart contre l'accusation. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité.
http://www.corsematin.com/justice

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