lundi 19 décembre 2011

Ils se souviennent de Larbi

C'était le 19 décembre 2001. Près d'une benne à ordures en lisière du quartier des Aubiers, un cri a déchiré la cité. Sous des planches, des jeunes viennent de retrouver le corps du jeune Larbi Fanousse, 10 ans, disparu depuis le 4 décembre. « La nouvelle s'est répandue en quelques minutes. Tout le quartier a accouru. Certains pleuraient, d'autres restaient silencieux. Dans ces moments-là, chacun fait ce qu'il peut avec sa peine », se souvient Hocine, un habitant du quartier (1).
Si les langues ne sont pas promptes à se délier, personne ici n'a oublié ce mardi de Ramadan du 4 décembre 2001. Larbi vendait des tickets de tombola pour son école. Il n'est jamais revenu.

Pendant quelques jours, le parquet de Bordeaux privilégie l'éventualité d'une fugue. Des témoignages indiquant avoir aperçu le garçon accréditeront cette thèse. Mais dans le quartier, peu d'habitants y croient. « Le petit, tout le monde le connaissait. Il était toujours avec son ballon de foot. Mais ce n'était vraiment pas le genre à traîner dehors ou à fuguer », poursuit Hocine. « Je sentais qu'il était près de moi. Il ne pouvait pas avoir fugué », dit aujourd'hui sa mère, Fatima.
Six jours plus tard, une information judiciaire est ouverte pour enlèvement et séquestration. « L'ouverture d'information a vraiment tardé. On pouvait avoir le sentiment que si cela avait été un enfant de la bourgeoisie bordelaise, les choses auraient été plus vite. Mais à la lecture du dossier, cela n'aurait hélas rien changé, puisqu'il est sans doute mort le jour de sa disparition », explique Me Sylvie Reulet, avocate des parties civiles.
« Un quartier maudit »
Très rapidement, le quartier se mobilise. « Dans une exceptionnelle dignité », soulignait il y a encore quelques semaines un élu bordelais. « Tout le monde cherchait Larbi, même des gamins de 12 ans. Puis une fois que le corps a été retrouvé, il fallait soutenir la famille. Certains donnaient de l'argent, de la nourriture, ou simplement des encouragements », raconte un habitant.
« Ce quartier est comme une famille. Si vous avez une joie ou un malheur, tout le monde est auprès de vous », ajoute Nadia, l'une des organisatrices des rassemblements de soutien à l'époque.
« Il faut dire que nous avions vécu une période marquée par de nombreuses morts violentes. On disait que le quartier était maudit. Certains en voulaient aux autorités, un commissariat avait même été brûlé. Il y avait beaucoup de colère, mais là, c'était trop. Personne n'aurait assumé que cela déborde », poursuit Hocine.
« Il semblait au spectacle »
Début janvier 2002, les investigations de la PJ de Bordeaux conduiront les enquêteurs à un dénommé Alain Diaz, 42 ans, résidant dans le quartier. Dans son appartement, les policiers découvrent des vêtements et du sang de l'enfant. Le sperme de Diaz sera également retrouvé sur la combinaison de chantier qui entourait la tête du petit.
Au cours de ses premières auditions, l'homme qui avait déjà un passé de délinquant sexuel reconnaît partiellement être l'auteur, avant de se rétracter.
Accusé de meurtre et d'agression sexuelle, il sera condamné une première fois à perpétuité par la cour d'assises de Bordeaux. La cour d'appel d'Angoulême confirmera le verdict en décembre 2004. Pendant les audiences, Diaz n'aura de cesse de nier.
« Il a livré cinq ou six versions différentes. Il semblait parfois au spectacle. Pour la famille, ça a été très dur », raconte Me Reulet.
« La justice est passée, je n'ai aucune colère contre elle. Mais j'aurais voulu savoir ce qui était arrivé à mon fils. Aujourd'hui, j'ai quitté les Aubiers, c'était trop dur de vivre là-bas. Je fais encore des nuits blanches et je me réveille en pleurant », lâche Fatima Fanousse.
Après l'autopsie, une cérémonie religieuse a été donnée aux Aubiers. « Je me croyais forte, jusque-là, nous avions tenu pour la famille. Mais quand j'ai vu Fatima découper une galette sur le cercueil de Larbi, selon la tradition marocaine, je me suis effondrée en sanglots », se souvient Nadia. Le corps de Larbi Fanousse a été rapatrié au Maroc. Il repose à Tiflet.
(1) Le prénom a été changé.
http://www.sudouest.fr/2011/12/19/ils-se-souviennent-de-larbi-585307-2780.php

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