lundi 17 octobre 2011

Une marche blanche lundi pour l'enseignante de Béziers

Lise, 44 ans, est morte vendredi après-midi après s'être immolée par le feu la veille dans la cour de son lycée. Les syndicats réclament un débat sur les conditions de travail des enseignants.

C'est un geste qui bouleverse tout le corps enseignant, bien au-delà de Béziers. En s'aspergeant d'essence en plein milieu de la cour du lycée Jean Moulin, Lise n'a pas donné ses motivations, mais au moment de craquer une allumette devant ses élèves, elle leur a dit : «C'est pour vous que je le fais».Transformée en torche vivante, elle a essayée de traverser la cour. Quand les pompiers sont arrivés dix minutes plus tard, elle était encore consciente et pouvait parler, grâce aux élèves et aux professeurs qui avaient réussi à éteindre les flammes sur son corps. «Mais elle n'a rien pu dire, elle souffrait trop», explique le commandant des pompiers de Béziers. Transportée au CHU de Montpellier par hélicoptère jeudi après-midi, Lise, qui était brûlée à 100%, a succombé à ses blessures 24 heures plus tard, a annoncé la police.
Les autres professeurs n'auraient jamais imaginé que Lise soit désespérée au point de se suicider en public. «La veille, je l'avais croisée entre deux cours. Elle était souriante. Rien ne laissait présager ce drame», raconte au Parisien un collègue.
Pourtant les souffrances de Lise, 44 ans, n'étaient pas inconnues. Ce professeur de mathématiques enseignait depuis dix ans dans le lycée Jean Moulin, un très grand établissement de 3000 élèves proche du centre de Béziers. Connue pour sa grande exigence, elle était critiquée par ses élèves. Suivie pour dépression , elle avait obtenu un horaire allégé au début de l'année. «Elle faisait son travail avec cœur», a dit devant les caméras un de ses collègues, arrivée en même temps qu'elle dans le lycée. La mort l'année dernière de son neveu, dont elle était très proche, l'avait aussi beaucoup affectée.

Un geste «symbolique» pour la profession

L'événement déclencheur semble être une réunion houleuse le mercredi soir, qu'elle aurait très mal vécue. Jeudi matin, elle a annulé son premier cours de 9 à 10h, s'est adossée à l'un des poteaux de la cour et a attendu que la pause commence pour passer à l'acte.
Les professeurs sont bouleversés par ce geste public de désespoir, qu'ils considèrent comme la conjonction d'éléments privés et de difficultés professionnelles : «Cet acte symbolique nous interroge tous», ont déclaré les 280 professeurs de l'établissement dans un communiqué. «Son geste appelle à la solidarité de l'ensemble des personnels et témoigne de notre difficulté à accomplir notre mission. Nous attendons donc l'engagement responsable de nos autorités. Nous pensons très fort à Lise», disent-ils. Le lycée a suspendu les cours et les élèves sont invités à rencontrer la cellule psychologique mise en place.
Si ses collègues se veulent prudents sur les raisons de cet acte, l'un d'entre eux estimait jeudi soir, sous couvert de l'anonymat, que la «pression ambiante était peut-être trop forte» et qu'»une écoute aurait peut-être évité ce passage à l'acte». «Au cours des années, on a vu le métier évoluer, le public changer, les réformes arriver, des réformes nécessaires mais bien souvent menées à l'emporte-pièce, sans discernement, dans l'urgence, et à un moment donné il peut arriver ce genre de geste», confiait-il.

Les syndicats veulent un débat sur les conditions de travail

Au niveau national, le Snes a réclamé un «débat» sur le métier d'enseignant après cette «tragédie». Il souhaite notamment «interpeller le ministre sur l'importance de la mise en place d'une véritable médecine du travail dans l'Education nationale» et l'amélioration des «conditions générales de travail des enseignants, dont la pénibilité s'est considérablement accrue ces dernières années».
Le Snalc a également estimé que ce suicide exprimait «l'immense malaise de toute une profession». «Un tel drame est probablement le résultat de plusieurs facteurs, mais nous ne peuvons nous empêcher de nous interroger sur la signification du choix du lieu de travail pour commettre cet acte désespéré», a dit la FSU, qui regroupe les syndicats de la fonction publique.
Une enquête a été ouverte pour déterminer les raisons qui ont poussé Lise à se suicider au milieu de ses élèves. En vertu d'un droit de retrait des enseignants, les cours sont pour l'heure suspendus. Une marche blanche se déroulera lundi à 14h au départ de l'établissement. Une action est par ailleurs prévue mercredi à Montpellier, dont le point d'arrivée sera l'inspection d'académie.
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/10/14/01016-20111014ARTFIG00547-drame-de-beziers-le-corps-enseignant-bouleverse.php

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