vendredi 21 octobre 2011

Le choix de l'immolation par le feu

Une habitante de Doullens a tenté de se suicider, dans sa cage d'escalier, en s'immolant par le feu. Un moyen violent, de plus en plus médiatisé, et qui semble faire des émules.

Il y a une femme qui brûle!», hurle soudainement un homme dans la cage d'escalier. Mercredi, à 19h30, à Doullens (dans la Somme, à 30km au nord d'Amiens), c'est à une torche vivante que fait face cet homme. Une vision d'horreur.

«Nous avons entendu crier dans l'escalier. Ma femme, Karine, a ouvert la porte et a vu une bouteille en plastique qui brûlait sur l'inter-palier. J'ai regardé s'il y avait un extincteur. La gardienne m'a dit qu'il n'y en avait pas. Je suis monté à l'autre palier. J'ai tourné la tête et j'ai vu qu'elle brûlait à sa porte», raconte Jean-Luc Chireux.
Un autre voisin, Olivier Lagache, accourt. Comprenant très vite la situation, il se presse d'aller chercher un seau d'eau, et le jette sur la malheureuse. Les habits de la victime ont été entièrement brûlés. «Elle était déjà incendiée quand je l'ai vue, ça a été très vite», explique Olivier. Le jeune homme ne se considère pas comme un héros: «J'ai fait ça instinctivement, sans me poser de question».


Elle avait laissé une lettre expliquant son geste


La porte d'entrée du logement de la victime ainsi qu'une partie du mur de l'inter-palier sont noircies par les flammes. Les habitants de l'immeuble, inquiets de la présence de conduites de gaz de ville, préfèrent sortir. Agnès, 51 ans, est très gravement brûlée sur toute la partie supérieure de son corps. Elle est cependant consciente. Ses sauveurs la montent jusqu'à son appartement, et l'installent dans son canapé en attendant l'arrivée des secours. Son état nécessite son évacuation vers l'hôpital des grands brûlés de Lille (Nord). Son pronostic vital n'est pas engagé.

Agnès vit seule dans son appartement, au dernier étage de l'immeuble, rue des Neuf Moulins. Sans emploi, elle est divorcée. Dépressive, elle téléphonait régulièrement aux pompiers et aux gendarmes, rapporte son voisinage. La quinquagénaire avait laissé une lettre sur une table expliquant son désespoir, son intention d'intenter à sa vie. Hier après-midi, les gendarmes ont procédé à l'audition des témoins. Agnès se serait immolée par le feu en utilisant de l'essence. C'est en tout cas l'odeur de ce combustible qui a été senti sur place.

«Elle a peut-être eu l'idée en regardant les informations à la télévision», dit une voisine.

Un fait divers tragique marque en effet l'actualité nationale: le suicide par le feu d'une professeur de mathématiques dans un lycée de Béziers jeudi dernier. Une femme de 77 ans s'est également immolée par le feu dimanche à Talence (Gironde). Médiatisé aussi, on pourrait citer le cas de ce jeune Tunisien qui par un acte similaire en décembre2010, avait participé à lancer un vaste mouvement de contestation politique dans le pays.

Reste que choisir d'en finir avec la vie de cette manière interpelle à chaque fois, par son caractère spectaculaire, souvent perçu comme un mode de revendication. «Il faut se garder de toute généralisation, restons prudents dans ce genre de cas», nous a confié hier un médecin psychiatre de la région. «Pour exprimer la même signification psychique, cette personne aurait pu passer à l'acte autrement le lendemain.» Et ce malgré la douleur indicible provoquée par l'immolation. «La personne peut très bien se surprendre elle-même par son propre sujet.»
http://www.courrier-picard.fr/courrier/Actualites/Info-regionale/Le-choix-de-l-immolation-par-le-feu

Aucun commentaire: